Michel Brioul psychologue clinicien

A PROPOS DE L’ANALYSE DES PRATIQUES

Afin de contribuer à la réflexion, voici quelques éléments qui me semblent devoir présider au fonctionnement de cette instance de travail spécifique certes, mais qui s’intègre dans la dynamique du fonctionnement clinique d’une institution.

L’analyse des pratiques, parfois appelée supervision, régulation, ou encore groupe de parole (avec des nuances pour chacune de ces formes) est un outil de travail institutionnel : ce n’est ni un défouloir cathartique, ni une psychothérapie. A ce titre l’analyse des pratiques doit s’intégrer pleinement parmi l’éventail des réunions qui vont contribuer à l’amélioration de la prise en charge des résidents et bénéficiaires, et du fonctionnement institutionnel. La participation y est donc rendue obligatoire, inscrite pleinement dans le temps de travail (et non pas au gré des professionnels, selon leurs « souhaits ou besoins »).

Il me semble en outre, que, contrairement à de nombreux usages, un cadre hiérarchique y a pleinement sa place. L’argument selon lequel celui-ci gênerait la liberté de parole ne tient pas : j’estime que lorsqu’une la parole d’équipe est inhibée par la présence d’un cadre, c’est qu’il y a un problème dans l’institution…. Le cadre a une fonction de régulation et d’orientation mais ne peut ni ne doit se positionner ni être positionné comme un juge ou un censeur… Il en est de même pour le psychologue clinicien. Ces principes sont valables quelle que soit l’orientation de ces analyses des pratiques telles que je les décrits rapidement ci-dessous :

Il y a, à mon sens deux formes d’analyse des pratiques :

L’analyse des pratiques cliniques. Il s’agit d’aider les professionnels à mieux comprendre les modes de fonctionnement psychopathologiques et à mieux se situer dans les interactions qu’ils établissent avec les personnes souffrant de handicaps physiques et psychiques et de pathologies mentales qu’ils accompagnent. Des perspectives thérapeutiques et/ou d’orientation de prises en charge peuvent y être évoquées. Ces pistes pourront ensuite être reprises dans le travail clinique interne. Il s’agit effectivement de contribuer à l’évaluation et à l’élaboration des pratiques et prises en charge.

Parmi les thématiques qui peuvent émerger lors des analyses des pratiques cliniques, on peut évoquer :

  • Les modalités des interactions avec les usagers, les troubles psychopathologiques dont ils souffrent et leurs répercussions dans le travail d’accompagnement.
  • Les difficultés des professionnels à comprendre et à mettre du sens sur ces troubles
  • La manière dont les professionnels ressentent ces difficultés et comment ils conçoivent leur fonction éducative et/ou thérapeutique
  • Les effets de ces troubles sur la vie d’équipe et les modalités relationnelles entre professionnels.

 Le travail d’analyse des pratiques cliniques se fera à partir du récit de séquences cliniques (faits, situations, présentation de cas…). La mise au travail d’analyse proposée par l’intervenant portera :

  • Sur une meilleure capacité à conduire l’observation clinique par un questionnement plus précis sur la réalité clinique
  • Sur une possibilité d’exprimer les émotions et ressentis de chaque professionnel face à ces situations comme des éléments faisant partie intégrante du travail d’accompagnement
  • La mise en perspective psychopathologique visant à dégager des sens possibles pour l’usager à ce qui peut paraître « insensé » pour les professionnels
  • L’élaboration d’une pensée d’équipe plus cohérente autour de l’accompagnement des usagers présentant des troubles du comportement.

L’analyse des pratiques d’équipe quant à elle se fonde sur le constat que le travail d’accompagnement des personnes présentant de graves troubles physiques, psychiques ou complexe, vient générer chez chaque professionnel de l’établissement, quelle que soit sa fonction, des difficultés à se situer sur un plan personnel et collectif, à soutenir dans le temps le sens de son intervention soignante, thérapeutique et/ou éducative et à le partager avec l’équipe. Ces mécanismes propres à cette confrontation quotidienne à des personnes présentant des handicaps importants sont à terme générateurs de souffrance professionnelle, de perte de motivation, de conflits institutionnels… tous préjudiciables à la qualité de la prise en charge des usagers.

Le principe d’un groupe de régulation d’équipe repose sur la possibilité de mettre en mots l’expérience singulière de chacun des acteurs, de ce qui lui pose question ou problème dans son travail et plus particulièrement dans les relations professionnelles qu’il établit avec les autres professionnels de l’établissement.

Là encore, il s’agit d’un travail qui s’intègre pleinement au dispositif institutionnel.

On peut considérer les deux comme complémentaires…